Droit pénal des affaires
  • Accueil
  • Catégories
    • Tout
    • Droit de fond
    • Procédure
    • Entraide
    • Notes et commentaires
    • Jurisprudence
    • Législation
    • News
  • A Propos
  • Liens utiles
  • Contactez-nous
  • Newsletter
  • Rechercher
  • Menu

L’article 102 CP (responsabilité pénale de l’entreprise) ne crée pas une nouvelle contravention mais constitue une norme d’imputation : le Tribunal fédéral a enfin tranché cette ancienne querelle doctrinale

30 décembre 2019/dans Droit de fond, Jurisprudence /par Alain Macaluso

Appelé à se prononcer sur un recours du Ministère public du Canton d’Argovie, le Tribunal fédéral a enfin tranché, dans un arrêt du 12 décembre 2019 destiné à la publication au recueil des ATF (6B_31/2019), une des querelles doctrinales centrales en matière de responsabilité pénale de l’entreprise selon l’art. 102 CP. Depuis l’introduction de cette norme, en 2003, la question demeurait en effet (relativement) ouverte de savoir si l’art. 102 CP constituait une norme d’imputation, créant une forme sui generis de participation à l’infraction à charge de l’entreprise, ou si, au contraire, cette norme créait une nouvelle infraction, en bref de « mauvaise organisation », de degré contraventionnel, puisque punissable uniquement d’une amende. Dans le premier cas, l’entreprise répondrait bien, selon des conditions propres, d’une infraction, p. ex. le blanchiment d’argent, qui lui serait imputée ; dans l’autre cas, elle ne répondrait que de sa mauvaise organisation, dont l’infraction « imputée » ne serait qu’une condition objective de la punissabilité.
Les conséquences pratiques de l’option pour l’une ou l’autre théories sont considérables, au premier chef s’agissant de la prescription de l’action pénale : si l’art. 102 CP est une norme d’imputation, alors la prescription est celle de l’infraction imputée (p.ex., pour le blanchiment, 10 ou 15 ans selon les cas) ; si, en revanche, l’art. 102 CP crée une nouvelle infraction, punie de l’amende, le délai de prescription de l’action pénale est celui des contraventions, soit 3 ans.
Le soussigné a toujours défendu l’opinion selon laquelle l’art. 102 CP ne créait aucune nouvelle infraction, singulièrement pas une infraction de mauvaise organisation ; au contraire, l’art. 102 CP devait bel et bien être regardé comme une norme d’imputation, consacrant une forme sui generis de participation à l’infraction. A l’inverse, à la suite de NIGGLI/GFELLER, une partie de la doctrine, essentiellement alémanique, soutenait la thèse d’un art. 102 CP comme nouvelle infraction, de degré donc contraventionnel. Conscients toutefois des difficultés pratiques liées à cette approche, NIGGLI/GFELLER proposaient par ailleurs de voir dans la mauvaise organisation de l’entreprise un « Dauerdelikt« , lequel ne commencerait donc à se prescrire qu’une fois le défaut d’organisation corrigé.
Dans la quatrième édition du Basler Kommentar (BSK StGB-NIGGLI/GFELLER, Art. 102, NN 19a et 20b), NIGGLI/GFELLER ont cru discerner dans l’arrêt la Poste Suisse (ATF 142 IV 333), dans lequel le TF avait, en passant, qualifié l’infraction sous-jacente à la responsabilité pénale de l’entreprise (en l’occurrence un blanchiment d’argent) de condition objective de la punissabilité, l’indication de l’adoption par le TF de leur point de vue. MACALUSO/GARBARSKI, qui n’avaient pas la même lecture de l’arrêt La Poste Suisse que NIGGLI/GFELLER, ont contesté cette approche, rappelant en détail pour quels motifs l’art. 102 CP ne pouvait pas être vu comme instaurant une infraction de mauvaise organisation (MACALUSO/GARBARSKI, L’article 102 CP ne consacre pas une infraction de mauvaise organisation in AJP 2019, 194 ss).
Dans son arrêt du 12 décembre dernier, le TF a donc tranché et confirmé que l’art. 102 CP ne créait pas de nouvelle infraction, mais constituait bien une norme d’imputation.
La Haute Cour devait in casu se prononcer sur le refus de l’autorité de recours argovienne de confirmer le classement d’une procédure pénale pour blanchiment d’argent dirigée contre une banque. Le Ministère public argovien, qui s’était rallié aux propositions de NIGGGLI/GFELLER, avait en effet considéré l’action pénale, relative selon lui à une contravention, comme prescrite.
Le TF a attentivement analysé les positions doctrinales exprimées et a, en substance, retenu les arguments suivants : (1) tout d’abord, le TF a confirmé que l’arrêt La Poste Suisse ne répondait pas à la question de savoir si l’art. 102 CP était une norme d’imputation ou instaurait une nouvelle infraction (c. 2.3.2) ; (2) ensuite, le TF a souligné que voir dans l’art. 102 CP une nouvelle infraction, qui plus est de degré contraventionnel, allait à l’encontre du texte légal, de la place systématique de l’art. 102 CP et de la volonté du législateur (c. 2.3.3) ; (3) le TF a en outre jugé faux le fait de considérer que l’entreprise répondrait non de l’infraction sous-jacente (ici : le blanchiment d’argent), mais de son défaut d’organisation, vu comme un « Dauerdelikt » (« Die Behauptung, das Unternehmen werde in Art. 102 StGB nicht für die Anlasstat, sondern lediglich für das Organisationsdefizit bestraft, trifft daher nicht zu« ). En effet, selon le TF, le défaut d’organisation n’est que l’une des conditions de la responsabilité pénale de l’entreprise. D’ailleurs, la peine d’amende prévue ne dépend pas que de la gravité du défaut d’organisation, mais, aux termes de l’art. 102 al. 3 CP, aussi d’autres critères, dont en particulier la gravité de l’infraction et la gravité du dommage (c. 2.3.4). (4) Par surabondance, le TF a également relevé qu’il n’y avait aucun argument à tirer du fait que l’art. 102 CP ne réprime l’entreprise que d’une « amende », ni des modifications successives du droit de la prescription, pour asseoir le caractère prétendument d’ordre contraventionnel de la prescription des infractions imputées à l’entreprise (c. 2.3.5 et 2.3.6).
Dès lors, le TF a résumé sa position de la manière suivante : « Zusammengefasst stützte die Beschwerdeführerin die Einstellung infolge Verjährung auf eine Lehrmeinung, welche in der bisherigen Rechtsprechung und mehrheitlich auch in der übrigen Lehre kritisch aufgenommen wurde und welche sich entgegen der Gesetzessystematik und dem Wortlaut von Art. 102 Abs. 1 StGB gegen eine Zurechnungsnorm und für einen selbstständigen Übertretungstatbestand ausspricht » (c. 2.4).
Il convient évidemment de saluer non seulement le fait que le TF ait enfin eu l’occasion de clarifier cet aspect important de la responsabilité pénale de l’entreprise (une institution de plus en plus utilisée), mais encore qu’il l’ait fait dans le sens d’une pleine reconnaissance de l’art. 102 CP comme norme d’imputation, même si plusieurs questions demeurent encore ouvertes.
Nous aurons l’occasion de revenir plus en détails sur cet arrêt important.

Proposition de citation : Alain Macaluso, L’article 102 CP (responsabilité pénale de l’entreprise) ne crée pas une nouvelle contravention mais constitue une norme d’imputation : le Tribunal fédéral a enfin tranché cette ancienne querelle doctrinale in www.droitpenaldesaffaires.ch du 30 décembre 2019.


Partager cet article
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Partager sur Google+
  • Partager sur Linkedin
https://www.droitpenaldesaffaires.ch/wp-content/uploads/2019/05/logo-dpa.png 0 0 Alain Macaluso https://www.droitpenaldesaffaires.ch/wp-content/uploads/2019/05/logo-dpa.png Alain Macaluso2019-12-30 17:52:332019-12-31 09:48:46L'article 102 CP (responsabilité pénale de l'entreprise) ne crée pas une nouvelle contravention mais constitue une norme d'imputation : le Tribunal fédéral a enfin tranché cette ancienne querelle doctrinale

Recherche

Catégories

  • Droit de fond
  • Procédure
  • Entraide
  • Notes et commentaires
  • Jurisprudence
  • Législation
  • News
  • Non classé

Inscrivez-vous à notre newsletter

Dernières publications

  • L’article 102 CP (responsabilité pénale de l’entreprise) ne crée pas une nouvelle contravention mais constitue une norme d’imputation : le Tribunal fédéral a enfin tranché cette ancienne querelle doctrinale30 décembre 2019
  • Le TF a tranché : des documents remis par la FINMA à une autorité pénale au titre de l’entraide entre autorités peuvent être placés sous scellés12 décembre 2019
  • Un jugement par défaut n’interrompt pas la prescription : Le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence17 novembre 2019
  • Les plaideurs doivent y être attentifs : deux arrêts récents rappellent qu’il n’y a pas de féries judiciaires en matière de séquestre pénal.11 octobre 2019
  • Révision du CPP : vers quelques modifications en matière de scellés et de séquestre30 août 2019
  • Le Tribunal fédéral tranche une question inédite : il n’y a pas de blanchiment d’argent en Suisse si les valeurs ne sont pas confiscables à l’étranger22 août 2019
  • Transfert de fonds à l’étranger comme acte de blanchiment : les circonstances de l’espèce sont déterminantes6 août 2019
  • Révision du droit des marchés publics : quand l’adjudicateur devient juge de la corruption…5 août 2019

Archives

  • décembre 2019
  • novembre 2019
  • octobre 2019
  • août 2019
  • juillet 2019
  • juin 2019

DISCLAIMER

The information contained in this website is for general information purposes only. While we endeavour to keep the information up to date and correct, we make no representations or warranties of any kind, express or implied, about the completeness, accuracy, reliability, suitability or availability with respect to the website or the information, products, services, or related graphics contained on the website for any purpose. Any reliance you place on such information is therefore strictly at your own risk. Using the site and/or receiving the newsletter doesn’t constitute any mandate  agreement nor implies any kind of liability for the editors and/or authors of the site. The informations on this site is no legal advice.

Le contenu de ce site ne vise qu’un but d’information générale. Nous nous efforçons de fournir des informations à jour et correctes, mais nous n’assumons aucune responsabilité ou garantie, expresse ou implicite, s’agissant de la complétude, de la pertinence, de la fiabilité, etc. s’agissant du contenu de ce site. L’utilisation du site et des informations qu’il contient se fait sous la responsabilité et aux risques de l’utilisateur. L’utilisation du site et/ou l’inscription à la newsletter ne crée aucune relation de mandat ni ne fonde aucune forme de responsabilité pour les éditeurs et/ou les auteurs du site. Aucune information contenue sur le site ne peut être regardé comme constituant un avis ou un conseil juridique.

PRIVACY / CONFIDENTIALITE

A propos | Contact

© Prof. Dr. Alain Macaluso

Le TF a tranché : des documents remis par la FINMA à une autorité pénale...
Faire défiler vers le haut

Ce site utilise des cookies pour améliorer l'expérience utilisateurs. Cliquez sur "plus d'informations" pour en savoir plus.

OKPlus d'informations

Cookies et confidentialité

Utilisation des cookies

Certains cookies sont utilisés sur ce site internet. Cliquez sur les catégories dans la barre latérale pour plus d'informations.

Cookies Google Analytics

Ces cookies collectent des informations qui sont utilisées globalement pour nous aider à comprendre comment notre site Web est utilisé ou pour nous aider à personnaliser notre site Web et notre application pour vous permettre d'améliorer votre expérience.

Si vous ne souhaitez pas que nous surveillions votre visite sur notre site, vous pouvez désactiver le suivi de votre navigateur ici: